
Inaptitude d’origine professionnelle et Mission du Juge Prud’homal
A propos de 2 arrêts du 18 septembre 2024 : Cass. Soc. 18 septembre 2024, n° 22-17.737 et Cass. Soc. 18 septembre 2024, n° 22-22.782
En droit, la non reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident par la CPAM ou les juridictions spécialisées ne prive pas les juridictions prud’homale de toute prérogative.
La cour de cassation reconnaît en effet que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle doivent s’appliquer dès lors que :
- L’inaptitude du salarié, reconnue par la médecine du travail et conduisant au licenciement du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie ;
- Et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle “au moins partiellement” au moment du licenciement du salarié (Cass. Soc. 10 juillet 2002, n° 00-40.436).
Il appartient dès lors aux juges, saisis de demandes tendant à l’application de ces dispositions protectrices, dans l’hypothèse d’un licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle d’un salarié de vérifier si l’inaptitude n’a pas, a tout le moins partiellement, pour origine une maladie professionnelle ou un accident de travail.
De fait, le juge devra déterminer si les conditions de travail ont contribué à l’état de santé dégradé du salarié et partant à son inaptitude.
La Cour de cassation vient de le rappeler expressément, dans un arrêt rendu le 18 septembre 2024 (Cass. Soc. 18 septembre 2024, n° 22-17.737) :
« Pour débouter la salariée de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement, l’arrêt retient que l’inaptitude est consécutive à un arrêt maladie de droit commun, que son origine professionnelle n’a pas été retenue et que la salariée n’a pas davantage demandé en justice que le caractère professionnel de sa maladie soit reconnu.
En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si l’inaptitude avait au moins partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et si l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Le rôle du juge a toutefois une limite dans la mesure où il ne saurait s’affranchir d’une décision de la CPAM ou des juridictions compétentes reconnaissant au salarié l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Aux termes d’une autre décision rendue le même jour, la Cour de cassation a en effet rappelé que la compétence du juge prud’homal est néanmoins circonscrite à l’appréciation du lien entre l’accident du travail ou la maladie professionnelle et l’inaptitude physique du salarié.
Il ne lui appartient en revanche pas de se prononcer sur le caractère professionnel ou non d’un accident ou d’une maladie déclaré par le salarié et singulièrement reconnu comme tel (Cass. Soc. 18 septembre 2024, n° 22-22.782).
Le juge prud’homal n’a en effet pas compétence pour remettre en cause l’existence même d’un accident du travail reconnu par la caisse d’assurance maladie.
Ces deux arrêts illustrent bien les difficultés rencontrées par les entreprises.
Elle ne sont jamais à l’abri de la reconnaissance, ultérieure à un licenciement pour une inaptitude d’origine non professionnelle, du caractère professionnelle de l’inaptitude au regard des conditions de travail du salarié. Et ne peuvent toutefois s’affranchir de la qualification de maladie professionnelle devant le Conseil des Prud’hommes.
Cet état du droit très protecteur ne peut qu’inciter les salariés, singulièrement les salariés victimes de burnout, ou de harcèlement moral, à agir en requalification de leur licenciement pour inaptitude en licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.